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210 km de montagne pour commencer…

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Un des mes amis Facebook, m’a invité à passer par sa maison à Poffabro dans les Dolomites. Je savais évidement qu’en acceptant je ne choisissais pas la route la plus simple. Malgré le poids de mon chargement, j’aime les routes en lacets et les montagnes, alors je n’ai pas beaucoup hésité. Merci encore à Bruno pour sa généreuse proposition.

Premier paysage, premières montagnes vers Asiago

J’ai donc quitté Pradipaldo en direction de Asiago, la journée devait commencer par une montée d’une dizaine de km après lesquels je pensais atteindre un plateau où les dénivelés se calmeraient un peu. Pas vraiment, ça grimpe quasi sans arrêt pendant 17 bornes. Je me lance dans l’exploration des fromages locaux et m’arrête dans les épiceries et « agro-tourismo » pour découvrir. Covid et règles générales d’hygiène m’empêche évidement de visiter les ateliers de confection et les caves d’affinage comme j’aimerais le faire. Mais qu’importe je goute à tout. De bons fromages d’alpages aux pâtes cuites et pressées, affinés plus ou moins longuement.

Fromages locaux

Je trouve particulièrement intéressant chez un producteur de pouvoir gouter le même fromage à plusieurs stades d’affinage. Etonnamment, ce n’est pas toujours le plus vieux, parfois fort dur et sec que je préfère, mais c’est celui qui conserve le mieux dans les sacoches et dont le rapport, poids/volume/calorie est le plus intéressant pour le cycliste itinérant. Les produits de boulangerie de la région me semblent par contre sans trop d’intérêt, des petits pains de pâtes roulées, sans goût, qui sèchent très vite et tombent en miettes. Je demande souvent des petits pains « morbido », mou et tendre, qui n’ont pas beaucoup plus de gout mais qui conservent mieux dans mes sacoches.

Plateau d’Asiago
No comment!

L’orage menace, j’ai fait 25km et près de 1000m de dénivelé, et je campe près de Gallio. Heureusement, il me reste du fromage, du pain et quelques noix dont je fais mon diner sous la tente. La pluie me berce, je m’en dors comme un bébé. 

Je quitte tôt le camping, après avoir négocié et obtenu un tarif spécial cycliste seul et « senza macchina », ça ne semble pas être une habitude dans la région, il faut dire que je n’ai pas croisé le moindre sacochard à l’exception d’un couple de bikepackeurs trop pressé pour saluer. Les paysages sont sublimes et je longe dans un premier temps les balcons du plateau d’Asiago. Je roule lentement, sans forcer, je profite. S’en suit une magnifique descente 20 bornes, 20 épingles à cheveux. Fabuleux ! Mon chargement m’oblige à y aller prudemment et à faire une ou deux poses photos qui ont surtout pour principal objectif de laisser refroidir les jantes pour éviter l’éclatement d’un pneu. Prudemment dis-je, j’ai même racheté un casque, chose que je n’utilisais plus depuis de nombreux mois… Et fait exceptionnel je le porte!

20km, 20 épingles…

Au bas de la descente, un panneau annonce le marché hebdomadaire, mais il est déjà fort tard, la fermeture approche, j’accélère espérant y trouver mon repas de midi. Le pain est toujours aussi fade, mais je l’accompagne d’une salade de poissons au vinaigre et aux oignons, proche parente sans doute des « sarde à la soar » que j’avais dégusté à Venise. Je remonte ensuite la vallée de la Brenta par l’ancienne route, fort agréable et jolie. Souvent je me dis, tiens je bivouaquerai bien là, en général un panneau trop explicite l’interdit et m’empêcherais de jouer le naïf si toutefois j’étais découvert. Quand en plus, il n’y a pas de panneau annonçant une surveillance par caméra, caméra que je ne vois jamais, mais compte tenu du prix élevé des amendes dans la région en cas de « camping sauvage » je préfère éviter. Je vise les seuls campings répertoriés sur ma route au bord d’un lac, pour les atteindre, je dois passer un pont à l’entrée duquel une barrière bloque le passage, munie d’un panneau tout aussi explicite, « danger, interdit à tout véhicule et piétons ». Les cartes en ligne renseignent un pont un peu plus loin, je continue mon chemin, alors que je m’apprête à traverser, un monsieur m’interpelle. « Le pont mène à l’autoroute et vous ne pouvez pas y aller à vélo », « Ok mais l’autre pont est fermé et interdit », « Oui il est interdit, mais c’est la seule solution qui permette de traverser la rivière aux cyclistes et piétons, vous pouvez y aller »… OK ! Pour une fois que je tenais compte spontanément d’un règlement ! 

Vallée de la Brenta

J’arrive en fin d’après midi dans un camping, je demande le prix. 21€, la dame me montre le document avec le tarif « officiel » qui mentionne clairement « forfait deux personnes avec voiture tente ou caravane», c’est un tarif, douche comprise, il ne manquerait plus que ça ! Je tente une négociation, la dame sympathique comme un gardien de goulag stalinien, me dit que c’est le seul tarif possible. Je repars vers un autre camping un peu plus loin, 34€ ! Non mais ils sont dingues ? C’est à nouveau non négociable, évidement ! Je suis dans un endroit fort touristique, et à nouveau, en apparence au moins, fort interdit en matière de bivouac. Va pour le camping le moins cher des deux, pas trop la choix. Je décide évidement de ne rien consommer d’autre, me dispense de ma petite bière de fin de journée et je me prépare un risotto de cèpes lyophilisé avec mon bidon d’eau du robinet. Le foot, ne m’intéresse pas, mais mes sympathiques voisins retraités et italiens m’invitent à venir le regarder avec eux, j’accepte. Ce soir là je dois être un des seuls belges à avoir gagné, ils m’offrent à boire pour me consoler.

Entre Vajont et Poffabro, vue du Camping

Je reprends la route tôt le matin. Je n’ai pas la moindre idée de ma destination pour le soir, je pense voir où je serai vers 15h. J’ai assez mal dormi, et je ne me sens pas en super forme. Vers 11h du matin déjà, j’ai fait 30 bornes, j’envoie même un message disant que je n’en ferai pas 40, que je n’avance pas et que je vais commencer à chercher un endroit pour dormir. Mon parcours par Feltre et Belluno longe une grand route très passante, bruyante, assourdissante même. Des voitures à haute vitesse me frôlent sans cesse. Le moral plonge, je n’avance pas et n’y prend aucun plaisir. Je ne profite même pas de la vue sur les montagnes à ma gauche, le nez dans le guidon, l’oeil dans le rétroviseur, je déteste. Ça grimpe presque tout le temps, pas assez fort pour que cela se voit ailleurs que sur l’altimètre. Le genre de faux plat où l’on se traine avec l’impression de ne pas avancer et de fournir des efforts pourtant conséquents. Mon impression de coller à la route m’amène à aller vérifier la pression de mes pneus dans une station, ce pourrait être une explication, mais tout est normal. Les villes traversées semblent complètement dénuées de charme… Je m’ennuie, je me force à avancer pour sortir de là, comme je continue à grimper en direction de la montagne, je me dis que ça sera mieux plus loin. Vers 14h30 j’ai passé Ponte Nelle Alpi ça commence à devenir dur sur le vélo, j’en suis déjà à 65 bornes et une dénivelée non négligeable. J’envisage de demander à un habitant ou l’autre l’autorisation de dormir sur son bout de terrain, je n’y parviens pas. Non seulement le coin m’est tellement peu sympathique que je n’en ai pas trop envie, mais je n’ose simplement pas demander aux gens. Notes pour l’avenir, il va falloir que j’apprenne ! Et jusque Longarone, le paysage ne change pas, les villages sans âme moches, modernes, la route bruyante, je comprendrai un peu plus loin que la région a été dévastée par la catastrophe du barrage de Vajont en 1963 et que ceci explique probablement cela.

Poffabro

A Longarone, j’ai 70 bornes dans les jambes et déjà bien plus de 1000 mètre de dénivelée, je suis cuit, mais je n’ai pas envie de m’arrêter dans cet endroit qui me plait si peu. Je décide d’attaquer le col vers le barrage de Vajont (désaffecté) et le col qui se trouve un peu au dessus. Nez dans le guidon, faisant un pause tout les km, je grimpe. Après le barrage, la région redevient jolie, mais je suis trop fatigué par en profiter vraiment, j’ai mis le cap sur un camping de l’autre côté du col. J’avance, la tête vide. Dans la dernière descente, je ne suis plus vraiment concentré, je suis vidé, et comme diraient les commentateurs sportifs, je manque un peu de lucidité, j’ai d’ailleurs oublié de remettre mon casque au sommet. Je freine un peu tard à l’approche d’une épingle, je me fais un peu peur mais ça passe de justesse. L’adrénaline aidant je me concentre sur les deniers km. J’arrive au camping, liquidé, je mange vite fais et je vais dormir. Près de 90km et un peu plus de 2000m de dénivelé selon ma montre, avec mes presque 75 kg de chargement, je suis Hors Service. La pluie reviens me bercer pour la nuit. 

Poffabro

Je repars calmement et bien reposé pour une étape qui commence par 25km de descente (coooool!), sans presque un coup de pédale, sauf pour redémarrer à chaque pause paysage et photo. Je longe une belle rivière aux magnifiques teintes turquoises. A partir de Barcis et de son lac un peu trop touristique à mon gout, les choses de corsent, les 6km de montée vers le col qui permet d’accéder à Poffabro sont terriblement pentus et mes muscles bien fatigués de la veille. Doucement j’arrive cependant au sommet et je rejoins la maison de mon ami avant la pluie. Le village, classé Unesco est magnifique et j’y prend une bonne journée de repos.  

A suivre…

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