Quelques kmn parfois à vélo en turquie - Mars 2005

Toutes les images qui illustrent ce voyage et quelques autres sont en grand format dans les galeries

Un voyage qui commence dans la plus grande improvisation, au départ, j'avais prévu d'aller pédaler quelques jours en Crête, puis que Valérie et Hadrien me rejoignent pour une semaine en famille. Je m'y suis pris beaucoup trop tard pour les billets et les tarifs étaient devenus trop élevés, il fallait changer de plan. Après une nuit de réflexion, je retourne à l'agence de voyages, l'atlas sous le bras. L'idée est de chercher une destination autour de la Méditerranée, au hasard, ma première idée. Istanbul ? Le prix est raisonnable, sur carte je réfléchis vite, un retour d'Ankara, c'est possible ? Ok projet adopté !

Le projet théorique devient donc de pédaler d'Istanbul à Ankara en 10 jours et de passer ensuite une semaine en Turquie en famille... On verra où plus tard !
Ensuite, j'ai failli ne pas partir, j'ai traîné une angine pendant quelques semaines et celle-ci à peine soignée, je retournais au lit pour une grippe. Ce n'est donc, ni en super forme, ni bien entraîné que je prends le départ pour Istanbul.

Dans l'avion, je consulte pour la première fois sérieusement mon guide (que pour une fois j'ai emporté) et ma carte. J'ai une vague idée pour les premières étapes... J'arrive à Istanbul avec pas mal de retard, la nuit approche, pas le temps d'effectuer sans risque le trajet vers le centre ville et de me mettre à chercher un hébergement. Je décide de réserver depuis un bureau de l'aéroport, une chambre et un transport vers l'hôtel avec Grimp'tout. Ce sera la chambre la plus chère du séjour... et ne parlons pas du rapport qualité prix ! Je passe une partie de la soirée à déambuler sans but dans les rues d'Istanbul et me couche tôt.

Le lendemain, la journée commence fort, un bon 10 % en pavés devant l'hôtel comme mise en jambe... Arg c'est dur ! Ensuite parcours de quelques km entre les rails de tram et les trous de la route pour rejoindre l'embarcadère où je dois prendre le bateau pour traverser le Bosphore. Dans la file en attendant celui-ci, je rencontre deux cyclos israéliens en route pour la Chine. Ils sont pour quelques jours à Istanbul en quête de visas pour leur voyage. Nous discutons un peu puis nos chemins se séparent quand je débarque sur le sol asiatique... Je suis en Asie, Mineure certes mais en Asie quand même... Grimp'tout sur un nouveau continent ! C'est donc excité comme un gamin que je prends la route vers Sile, pas trop certain du nombre de km, ni du dénivelé à parcourir. Les quelques premiers km vers Beykoz sont sans la moindre difficulté, on longe l'eau du Bosphore. Dès Beykoz par contre l'euphorie retombe vite, la côte est violente, raide et il fait presque trop chaud... J'ai soif et les jambes en coton, c'est dur ! Au sommet de l'ascension, je suis dans de riches quartiers de la banlieue d'Istanbul, villas avec gardien et haute sécurité. Ma carte, à beaucoup trop grande échelle, ne m'est que peu utile, pour mon orientation je peux me fier à quelques panneaux ou le faire "au cap" à l'aide du GPS (pas de carte interne précise pour la Turquie, seules les villes, les gros villages et quelques routes importantes sont dans la mémoire). Je cafouille donc un peu sur quelques nouvelles routes qui figureront probablement sur la prochaine édition de ma carte. Un policier m'induit ensuite en erreur en m'envoyant vers Sile par la grand route... Heureusement le trafic n'est pas trop intense et les gros camions sont très fortement ralentis par la raideur de la grimpette. A quelque 20 km de Sile, je débusque l'ancienne route, nettement moins fréquentée qui sera plus agréable pour rejoindre ma destination. Destination dont je commence d'ailleurs à douter, je suis fatigué, les jambes ne répondent plus trop et j'avance comme un escargot. Je longe quelques propriétés importantes, certaines agricoles, d'autres résidentielles, à plusieurs reprises je sollicite l'autorisation de planter ma tente dans un endroit discret. On ne doit pas me comprendre car chaque fois on me renvoie vers Sile munis de quelques provisions ou abreuvé de thé. J'arrive finalement à destination au coucher du soleil, vidé. Le premier gîte rencontré est un bungalow tout à fait abordable et correct, je m'y couche très tôt, espérant récupérer un peu en prévision de la deuxième étape.

Pour la seconde étape, j'ai décidé de longer la côte vers Agva, en bon belge, j'espère y trouver un relief moins tourmenté que la veille. Je rêve, il est pire ! Dès le départ, je me lance dans une série ininterrompue de montées et descentes infernales. Mon manque d'entraînement se fait un peu trop sentir, heureusement, les paysages me permettent de penser à autre chose qu'à la route et je progresse lentement mais sûrement. A Karacaköy, je découvre une plage qui aurait pu être un petit paradis, si comme beaucoup d'endroits en Turquie, elle n'était pas aussi sale. Dans chaque village, je m'arrête un bout de temps au bar à thé pour souffler un peu et c'est finalement en fin de journée que j'arrive liquidé à Agva. J'y trouve une auberge sympathique où je décide de passer deux nuits. Je passe donc ma troisième journée à flâner dans la petite station au rythme de mes pas, Grimp'tout bien au chaud dans ma chambre.

Le quatrième jour, j'ai décidé de prendre le bus sur une partie du parcours, afin de me dispenser d'un tronçon qui présente sur carte assez peu d'intérêt. Je me lève tôt pour attraper le bus matinal. En route vers celui-ci, pas encore éveillé, je passe en plein centre d'un nid de ptérodactyle (ce sont des sortes d'autruches géantes qui nichent au milieu des routes et y laissent de grands trous), mon porte-sacoche avant se casse net, il va falloir réparer. Arrivé en bus à Sakarya (Adapazari), ma première préoccupation est de trouver un hôtel abordable pour y laisser mes sacoches et ensuite de partir en quête d'un soudeur capable de réparer l'alu de mon porte-sacoche. Celui-ci, dans son état, ne m'empêche pas de rouler calmement, aussi, c'est à vélo, chargé de mes bagages que je parcours la ville à la recherche du gîte. Un adolescent, sur le bord de la route me tend un drapeau turc, j'installe celui-ci sur ma sacoche de guidon et j'effectue mes derniers km sous quelques acclamations de la foule... un peu comme Virenque entrant à Morzine ! Je passe une partie de mon après-midi à la recherche d'un soudeur, que je trouve finalement sans trop de problèmes. A toute chose malheur est bon... grâce à ce porte-sacoche cassé j'ai passé un après-midi extra ! La ville est moche, elle n'a vraiment rien pour elle... une grande ville pas riche qui ne l'a sans doute jamais été. De plus à quelques km de l'épicentre du tremblement de terre de 99 elle en porte encore quelques séquelles, certains bâtiments écroulés n'ont pas été reconstruits et ceux qui sont restés debouts n'ont de toute façon jamais été beaux... Je me suis donc promené à pied au hasard des rues... sans plan (pourquoi faire des plans pour des touristes qui ne viennent quand même pas là?). Je me suis volontairement perdu en chemin (m'en fiche, j'ai mon GPS en poche et lui seul sait où est l'hôtel quand je veux rentrer je n'ai qu'à le lui demander. Je suis entré dans les galeries commerçantes, celles des bijouteries trop kitch, celles des fringues trop ringardes et finalement dans le marché des produits alimentaires frais (miam!)... J'y ai passé certainement deux heures, magnifiques !

Pommes, poires, tomates, fraises, oranges, citrons, courgettes, aubergines, olives, épices, poissons, fromages, viandes, salades, choux.... des couleurs, des odeurs, des sons, rien que du bon! Envie de tout acheter, de tout goûter... et compte tenu des prix on pourrait... Je me suis arrêté pour boire un ou l'autre thé que l'on m'offrait dans les échoppes, j'ai fait plein de photos, tenté d'enregistrer quelques sons (ça c'est la première fois considérons la comme un essai, il y a encore beaucoup de choses à apprendre)... J'ai même parlé néerlandais (dur dur!) avec un turc d'Amsterdam (bonjour l'accent !). Quand les Turcs sentent que l'on s'intéresse à eux, à leur présent et pas uniquement à leur très riche passé alors le contact se fait facilement, même sans les mots qui souvent restent incompréhensibles pour au moins une des parties... quel pied ! Finalement je ne vais peut-être pas acheter de porte-bagages plus solide, pour casser encore, pour les rencontres que cela apporte, vivent les ptérodactyles.

Le cinquième jour, je me lève en pleine forme, je jette un coup d'œil par la fenêtre, temps couvert mais sec. Rapidement, je me prépare à partir. A peine ai-je mi le pied dehors qu'il commence à pleuvoir doucement, je couvre mon dos et les sacoches et je prends la route. La pluie s'intensifie progressivement, les routes sont glissantes et la circulation très dense en devient dangereuse, je roule un oeil dans le rétroviseur, un second partout! Rapidement, le système de drainage et d'égouttage se trouve dépassé par l'averse, de mouillées les routes deviennent inondées et moi je prends ma douche par le dessus, mais aussi par le dessous au passage de chaque véhicule. Sans compter qu'avec l'eau, je ne distingue plus les trous. Mon rétroviseur me sauve la vie, j'y vois une voiture arrivant par derrière à trop grande vitesse à mon goût. Je me gare rapidement sur le trottoir pour la laisser s'encastrer dans la file arrêtée au feu rouge. Je ne reste pas sur les lieux de l'accident, premièrement parce que j'ai eu trop peur, deuxièmement parce que la présence de nombreux témoins turcs rend mon témoignage francophone inutile. Un peu plus loin, à la sortie de la ville, le trafic devient moins dense, mais plus rapide et les conditions sont particulièrement mauvaises, en plus de la pluie, voilà maintenant que le plafond baisse et que le brouillard se forme. Un motocycliste me dépasse phare allumé, trente à quarante mètres devant moi, il a complètement disparu dans le nuage de brouillard, de pluie et de projections. Je me rends compte à quel point je suis peu visible sur le bord de cette chaussée, malgré mes lampes clignotantes, mes sacoches fluos et ma veste rouge. C'est bon, j'abandonne... Je fais demi-tour et très prudemment, souvent sur le bas côté de la route je retourne en ville. Sans idée précise, je m'arrête à la gare routière, il y a un bus qui part bientôt pour Bolu, OK, je prends. Dans le bus, je me réjouis de ma décision, sur certains tronçons, le brouillard est dense et la neige tombe, c'est grâce à de gros feux oranges clignotants disposés régulièrement le long de la chaussée que les véhicules parviennent à se maintenir sur les voies de circulation. Visibilité, moins de 30m! Arrivé à Bolu, je me trouve rapidement un hôtel. Grimp'tout est monté dans la chambre par le jeune garçon de l'accueil, celui-ci pas trop habitué à porter un vélo chargé, manque de trébucher une ou deux fois dans l'escalier. Je veille pour le rattraper. Je passe le reste de la journée à flâner et à attendre une amélioration météorologique prévue pour le lendemain.

Le sixième jour, je me lève lentement sous un ciel maussade, je décide de ne pas partir et de tenter le coup d'une randonnée à vide dans l'après-midi. Vers midi, le temps s'améliore et je prends la route vers le sud en direction d'un col dont j'ignore, le nom, la longueur et l'altitude Je traverse pour commencer la large vallée fertile de Bolu, en direction de Karacasu où l'ascension commence. A mi-pente, une bifurcation qui n'est pas mentionnée sur ma carte me fait hésiter, je prends une direction au hasard et arrive dans le petit parc touristique de Gölcük. En faisant le tour du lac, je m'arrête pour observer les crapauds, nombreux aux abords pour la saison des amours. En remontant sur Grimp'tout, j'ai une sensation étrange, ma roue arrière semble lourde, anormalement amortie. Rapidement le diagnostic se confirme, j'ai réussi à crever avec un pneu Schwalbe Marathon. La première crevaison en trois ans! Heureusement j'ai de quoi réparer et je reprends rapidement l'autre route à l'intersection pour grimper vers le sommet. Vers 1300m d'altitude, il commence à y avoir un peu de neige sur les talus, au sommet, vers 1600 m, il reste en dehors de la route, une bonne couche assez ancienne qui laisse présager de ce que peut être l'hiver turc. J'effectue une descente prudente, me méfiant toujours des ptérodactyles qui nichent dans la région. A mon retour à Bolu, je me décide à aller tester le hammam, quel pied après l'effort! Le sauna, ensuite le massage lavant, énergique et décontractant musculaire. Juste ce qu'il faut pour récupérer.

Le lendemain, la météo est de nouveau aux chutes de neiges importantes, je ne pars pas, je reste à Bolu et me promène en ville et au marché. Le huitième jour, je prends le bus vers Ankara assez tôt le matin, j'ai pris la précaution de faire réserver un hôtel par téléphone depuis Bolu. L'arrivée à la gare routière d'Ankara est impressionnante par les dimensions de l'édifice, plus de 100 quais! J'y déniche difficilement un plan de ville qui va me permettre de m'orienter sans trop de difficultés à l'aide du GPS. J'entame les 10 km les plus fous de ma carrière, la circulation est très dense, rapide en certains endroits, mais surtout Ankara est une agression auditive et olfactive permanente. Les moteurs et klaxons font un bruit à rendre dingue. Je progresse lentement, sur le trottoir quand c'est possible. J'arrive finalement vidé à l'hôtel et me contente d'une petite balade au marché pour conclure la journée.

Au programme de ma dernière journée en solitaire, la visite du musée des civilisations anatoliennes (une des rares choses intéressantes à voir dans la ville selon mon guide) et balade dans la ville et les commerces. En début de soirée, je conduis Grimp'tout à la consigne de l'aéroport pour une semaine, les tarifs sont exorbitants, près de 150 Euros pour 7 jours! J'attends ensuite Valérie et Hadrien qui atterrissent vers 23h avec un peu de retard.
Le lendemain, je négocie à l'hôtel la possibilité de laisser mon vélo dans l'établissement en réservantune chambre pour la dernière nuit. Je vais récupérer Grimp'tout à la consigne et le ramène en ville. Ensuite, nous décidons de louer une voiture et de prendre la direction de la Cappadoce, que nous découvrons en famille avec beaucoup de plaisir pendant quelques jours. La région offre un grand éventail de possibilités, tant en promenades qu'en visites culturelles, l'idéal avec Hadrien qui prend plaisir à grimper partout pour découvrir les nombreux vestiges d'églises et d'habitations troglodytes...
 
Il y a quelques années, j'aurais probablement considéré ce voyage comme un échec, j'ai pédalé tellement peu. Mais, en fait, il n'en est rien, j'ai commencé à découvrir un nouveau pays, culturellement plus éloigné de ceux que jusque là je connaissais un peu, un nouveau continent aussi. Mon sous-entraînement et les conditions météorologiques ne m'ont pas permis d'en faire autant que je l'avais rêvé. Qu'importe!
La Turquie est un pays fascinant, au carrefour de l'occident et de l'orient depuis la nuit des temps, elle porte en elle les traces de toutes les civilisations qui l'ont traversée. Souvent surprenante, elle est aussi parfois contradictoire et j'ai l'impression que ce que j'en ai appris pendant ces deux semaines me permettra de l'appréhender mieux quand j'y retournerai.


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